D’abord deux précisions. Premièrement, nous partons de la perspective d’éclairer l’action présente au vu des futurs possibles, ce qui est une démarche prospective qui permet de gérer le présent axé sur le futur. Deuxièmement, ce que nous allons entendre par « vrai dirigeant » et « leader » n’est pas pour autant l’homme parfait, la perfection n’étant pas de ce monde. Nous voulons simplement caractériser certains de ses points forts et par ricochet ses points faibles dans la gestion quotidienne de ses affaires en tant que responsable ou manager d’une organisation au sens large. En résumant nous dirons que c’est un cadre qui a simplement su construire et développer non seulement une organisation mais aussi construire son équilibre personnel, avec comme philosophie de la vie le bien commun et le sens de la responsabilité, notions pas si faciles à cerner. Notre propos n’est pas ici de disserter sur celles-ci. 

Notons que le style de management du dirigeant ou du leader quelles que soient ses qualités comportera toujours des forces et des faiblesses. Généralement on convient qu’il y en a quatre (adaptatif, délégatif, persuasif et participatif). Au dirigeant de le comprendre et de l’intégrer, en essayant non seulement de limiter les effets des aspects négatifs, mais de savoir les utiliser dans la construction de sa vision du futur et du développement de son équilibre personnel, autant qu’il peut le faire en gérant les résistances qui accompagnent le changement.

Tout dirigeant fait face à un avenir incertain. Mais l’incertitude ou l’imprévu ne conduit pas forcément à l’échec ; au contraire, si l’on sait faire montre de créativité, d’imagination, d’innovation et d’audace, elle devient une source de transformation positive, d’opportunités enrichissantes. Le problème est moins dans une situation qui s’impose que dans notre capacité à nous gérer face à un phénomène complexe, à poser les bonnes questions en interrogeant le futur. Il s’agit donc de savoir adopter une conduite d’anticipation, de savoir interroger ou scruter le futur, non pour le connaître, mais pour le prévoir, c’est possible. On sait que l’avenir n’est écrit nulle part ou serait prédéterminé ; il est d’ailleurs défini en prospective comme un domaine de liberté, de volonté et de pouvoir, ce qui laisse entendre qu’en définitive il dépend plus de l’acteur que du hasard ; il dépend de la capacité d’imagination et d’engagement dans l’orientation du cours des choses, de la capacité de (se)motiver et mobiliser pour une action concrète et pragmatique. Ici la prospective stratégique dans sa noble mission, son sens et sa triple signification impose de chercher à voir clair, lucidement par la réactivité, la préactivité et la proactivité. La réactivité veut que l’on attende le changement pour réagir ; la préactivité veut que l’on soit prêt pour un changement anticipé ; la proactivité c’est la capacité de provoquer le changement et de l’orienter vers l’objectif désiré.

En effet, dans toute situation, ce serait une erreur de croire que le sort est définitivement scellé, qu’on est ligoté pour de bon et qu’il serait donc impossible de rebondir pour changer la donne. Réussir ici  exige certaines conditions ; d’une part, celles qui nous arrachent de nos habitudes en conflit avec la transparence, la rigueur, la clarté et le courage d’agir ; celles qui nous éloignent des convictions et peurs qui inhibent nos ambitions et projets, qui paralysent notre volonté, voire notre être tout entier ; et d’autre part, celles propres au leader, au dirigeant et qu’il va falloir apprendre ou confirmer.

Le vrai changement a un prix et nul ne saurait le conquérir sans à la fois l’audace, la capacité de donner sens, une certaine crédibilité et une ferme volonté, la prise de conscience de la coresponsabilité. Cela requiert avant tout la maîtrise des processus génériques de l’équilibre personnel, à savoir « l’appropriation, la relation, la décision et l’action » (Martin De Waele et autres). Nous les retrouvons dans le triptyque prospectif « anticipation-appropriation-action », entendu que la relation est dans l’anticipation en tant que réflexion prospective et collective, et dans l’appropriation qui y est motivation et mobilisation collective, une question de management participatif. Elle est surtout dans l’action, répétons le. Quant à la décision, elle est mûrie, formulée et adoptée dans l’anticipation prospective où ce qui est convenu fait l’objet d’une appropriation en vue d’une action stratégique efficace pour atteindre le futur désiré. 

Le vrai dirigeant sait adopter une attitude prospective lui conférant la capacité de diagnostiquer le présent et son environnement immédiat, de débusquer les obstacles pour déceler les possibilités d’évolution qui s’offrent à lui, sans quoi il ne peut renverser les courants défavorables ; avec un projet bien mûri le dirigeant peut déjouer les pièges, sortir des sentiers battus, se défaire des idées reçues tout en restant réaliste. Il peut alors utilement scruter le futur pour construire une vision nouvelle, agir pour ne pas subir un changement qui s’impose et qui nuit. 

L’authentique dirigeant, le leader, est habité par l’équité, l’éthique et l’esthétique, l’exemplarité, le sens de la mesure et le respect envers les autres. Il est un rassembleur ouvert, un responsable qui sait donner du sens non seulement à ses actions, mais aussi à celles des autres personnes de l’organisation dont il a la charge.  Quand il délègue des tâches, ce n’est jamais pour y trouver refuge face à des responsabilités dont il a peur ou craint.

Conscients du poids des mots, des décisions et des actes, les leaders ne s’engagent qu’en connaissance de cause. Quand ils initient des changements, ils acceptent volontiers d’apprendre auprès de tout collaborateur, du plus gradé au moins gradé ; en général humbles, ils ne sous-estiment personne ; ils refusent d’être la tête d’un clan car ils veulent gagner la confiance de tous. Faire vite et bien pour surmonter les résistances et inerties qui les accompagnent fait partie de leurs ambitions. En prévoyant l’avenir, ils savent précisément où ils veulent aller, et donc utilisent cette connaissance pour anticiper et s’approprier ce qui doit l’être, avant d’agir. Ils en ont la culture et la philosophie, ce qui fait qu’ils sont possédés par les valeurs, le souci du bien commun.

Autant d’atouts rendent les vrais dirigeants ou leaders forts face au présent comme face à l’avenir qu’ils voient changeant et incertain. Ils savent que pour gagner ils doivent pouvoir tirer parti du passé qui est pour eux une source d’expériences dont ils peuvent s’inspirer pour mieux gérer, dans une certaine limite, complexité obligeant. Leur quête d’efficacité et d’efficience est pour eux un comportement naturel, et qu’ils ne peuvent réussir que s’ils s’appuient résolument sur, entre autres facultés et forces éclairées, celles de la prospective, ne serait-ce que comme monsieur Jourdain qui fait de la prose sans le savoir. Ces facultés et forces éclairées, créatrices, sont l’anticipation pour l’action via l’appropriation, celles qui sont les nôtres, et que promeut toute équipe intelligente. Son bon équilibre personnel joue ici un rôle crucial.

Notre idéal managérial

une vision prospective du changement, des organisations performantes citoyennes, des acteurs authentiques et clairvoyants, un leadership qui ose l’innovation, l’imagination, la créativité et la transparence, qui valorise l’humain. Réussir de tels défis nécessite une attitude prospective du dirigeant face à l’avenir, une capacité à construire, développer ou optimiser son équilibre personnel.