La décentralisation, la simplification et la modernisation sont incontournables. Faudrait-il avoir l’audace et la lucidité de passer aux actes
En matière de décentralisation, simplification et modernisation, l’audace et la lucidité sont indispensables, autant qu’elles le sont pour la démarche prospective. Si « L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie » (Goethe), la lucidité nourrit la cohérence des idées et des actes. Toutes deux restent présentes, solidairement, dans les trois étapes de la démarche prospective incarnée par le triptyque prospectif Anticipation-Appropriation-Action. Celles-ci sont interactives, exigeantes en termes de rigueur intellectuelle propre à cette démarche qui est le fer de lance de la conduite du changement, du pilotage de la performance et du développement des organisations. L’enjeu pour les acteurs engagés dans une démarche prospective en matière de décentralisation, simplification et modernisation, d’aménagement du territoire, c’est de parvenir en toute sérénité à des réformes audacieuses, lucides et viables qui répondent aux attentes des populations concernées. C’est d’autant plus vrai et nécessaire que nous sommes dans un environnement complexe et de compétition généralisée où la vitesse (faire bien et vite), la capacité d’anticipation et d’adaptation jouent un rôle essentiel. Les objectifs du Développement durable (ODD) sont une autre raison pour décentraliser, simplifier et moderniser, alléger les structures et procédures lourdes. Un grand effort de lutte contre les abus, contre toute forme de corruption et de bradage des ressources, contre l’octroi des marchés publics sans appel d’offre sera nécessaire. Mais un des plus graves dangers pour l’émergence économique c’est cette façon de se décrédibiliser en signant des accords qu’on sait d’avance et en toute conscience ne pas pouvoir ou ne pas vouloir honorer. Pourtant le cas est fréquent avec les syndicats de travailleurs déjà inquiétés par le chômage comme seule perspective, dès lors que les industries qui embauchent sont quasi-inexistantes. C’est là un des aspects de la mal-gouvernance, incompatible avec l’émergence économique.
Une autre difficulté est qu’il faut faire en sorte que ces réformes tiennent compte des évolutions qui seront induites par le dynamisme des facteurs stratégiques que sont le temps, l’espace, les relations, l’esprit et l’information, et le facteur démographique. Finis la routine et le pilotage à vue. Pour réussir il faut oser, oser penser et agir autrement, savoir tirer parti de l’imprévu, ce qui n’est pas gagné d’avance dès lors qu’il faut d’abord bien comprendre et intégrer le caractère systémique de ces actions et maîtriser les processus dans le travail, permettant ainsi plus de flexibilité. Les organisations et équipes qui ne pourront ou ne voudront pas aller vers la nouvelle donne, incapables d’imagination et d’innovation pour s’adapter seront simplement soumises à d’énormes difficultés pour progresser sur le plan économique. Ci-après une brève description de ces facteurs stratégiques qui conditionnent le progrès humain. Celui-ci est soumis à la façon d’agir de chacun et de tous.
- le temps, pour plus de réactivité et d’anticipation, tout étant devenu urgent. C’est le temps des urgences généralisées, du faire vite et bien. Les acteurs qui traînent les pieds, comme ceux qui font du pilotage à vue, ceux qui décident au jour le jour… n’ont aucun avenir dans le nouveau monde qui se construit et où la vitesse est déterminante ;
- l’espace : désormais il faut y penser globalement en vue d’une action locale qui tient compte des réalités locales, l’internationalisation n’effaçant pas les spécificités culturelles locales ; au contraire, les territoires et les personnes qui les habitent gardent jalousement leurs particularités ;
- les relations, sachant que rien n’est plus isolé, tout est relié, faisant de la relation une source de création de richesses bien plus que les matières premières, et qui n’a de limite que la capacité d’imagination, d’invention et d’enthousiasme des acteurs du développement, de l’émergence économique ;
- l’esprit, l’homme devenu plus exigeant, recherchant aujourd’hui plus de qualité à bas prix, de perfection et de justice sociale, de nouveaux repères pour le développement personnel et la vie en communauté, les valeurs humaines ;
- l’information, étant entendu que nous vivons dans un village planétaire où tout, bon ou mauvais, joyeux ou triste se sait partout, en peu de temps. Les réseaux dits sociaux en témoignent. L’information comme la relation est une source de richesses, elle contribue à la valeur des produits industriels, autant que les matériaux avec lesquels ils sont fabriqués, et il en est de même pour les services. En étalant tout son pouvoir l’information s’est montrée certes bonne, mais aussi redoutable. D’où le besoin de sa bonne maîtrise et de la communication. Cette révolution de l’information fait apparaître une généralisation de l’interactivité Homme/Machine qui a bouleversé complètement l’organisation du travail, souvent au détriment de l’emploi. Comment gérer ce phénomène ?
Finalement, il s’agit de bâtir un monde bien différent du nôtre, où le bien-être des hommes et des femmes sera au centre des préoccupations, un monde avec des institutions construites sur l’équité et la simplicité et qui les pratiquent. Tel est le grand chantier des réformes administratives, du changement et de la performance à réussir. Rappelons-nous de ce que disait Wilson Churchill : « Il vaut mieux prendre le changement par le bras, avant qu’il ne nous prenne par la gorge ». C’est dans ce sens que s’inscrivent les réformes administratives qui n’ont que trop tardé ; aujourd’hui on est en train de payer le prix fort par de nombreux échecs politiques et économiques.