Un peu d’histoire

Le triptyque « Anticipation-Appropriation-Action » en prospective a pour origine ce qui est connu sous le nom de « triangle grec » de la pensée, un triptyque utilisé comme outil de réflexion et d’expression ; il a été développé sous d’autres formes certes proches de sa configuration en prospective, mais qui ne faisaient pas de manière si explicite de l’appropriation le socle des deux autres composantes, à savoir l’anticipation et l’action.

En effet, dans la Grèce antique la figure du triangle avec ses angles Sophon (esprit), Techné (matérialité) et Poïesis (affectivité) ; considérés dans leur unité désignait les rapports inséparables de l’homme avec la nature. Cette trilogie sera à la base d’intéressantes recherches dans diverses disciplines humaines. Les travaux du professeur Michel GODET dont nous allons parler plus tard ont donné à ce triptyque un nouvel élan vers une approche prospective encore plus poussée; reprenant ce triangle avec les noms ‘logos’ (la pensée, la rationalité, le discours), ‘Epithumia’ (le désir dans tous les aspects nobles et moins nobles) et ‘Erga’ (les actions, les réalisations). M. GODET explique : « le mariage de la passion et de la raison, du cœur et de l’esprit est la clé du succès de l’action et de l’épanouissement des individus… ». En rapprochant ces termes grecs et ceux utilisés par le professeur M. GODET on voit bien qu’il s’agit des mêmes idées. Nous pouvons les comparer de la manière suivante

  • Sophon (l’esprit) et logos (la pensée, la rationalité, le discours) ;
  • Techné (la matérialité) et Epithumia (le désir dans tous les aspects nobles et moins nobles) ;
  • Poïesis (l’affectivité) et Erga (les actions, les réalisations).

Il existe toutefois une différence fondamentale dans la chronologie des phases proposées. En effet, le schéma représentant la conception de celle-ci dans l’ancienne Grèce est : 1) les faits, 2) les idées, et 3) les actes. Ici pour analyser un phénomène il fallait partir des faits. Les faits et les actes constituant la base du triangle comme supportant les idées. Les ’interactions entre ces différentes phases dans un phénomène donné existent certes, mais ne jouent pas un rôle aussi déterminant que vues sous l’angle de la prospective stratégique telle que proposée par M. GODET. Ce qui fait la faiblesse de l’approche première. Contrairement à celle-ci, selon l’approche de M. GODET l’appropriation (la motivation et la mobilisation collective) « intellectuelle et affective constitue un passage obligé pour que l’anticipation se cristallise en action efficace ». Rappelons que l’approche prospective de M. GODET insiste beaucoup sur l’interactivité entre les trois phases « Anticipation-Appropriation-Action », c’est-à-dire « l’anticipation pour l’action via Appropriation ». Ce qui veut dire que toute réussite se fonde avant tout sur l’appropriation. Celle-ci entraîne l’engagement et l’implication.

Il convient de respecter scrupuleusement cette disposition qui n’est pas fortuite ; se trouvant au bas du triangle, l’angle APPROPRIATION soutient les deux autres en haut : l’ANTICIPATION et l’ACTION. Ceci pour signifier que l’anticipation et l’action ont besoin d’être soutenues par l’appropriation, autrement dit, par la motivation et la mobilisation collective. Celles-ci ont besoin qu’on s’en approprie, qu’on en fasse siennes pour pouvoir prospérer et conduire à l’objectif visé dans la phase de la réflexion prospective, à savoir l’anticipation. L’engagement et l’implication pour l’action se construisent et se déclenchent sur l’appropriation éclairée par l’anticipation. Toute idée ou réflexion, toute action qui ne feraient pas l’objet d’une appropriation qui traduit la motivation et la mobilisation des acteurs qui les portent n’ont aucun avenir.

C’est ce que nous avons repris dans notre schéma. Il s’agit de bien réfléchir, d’accepter librement de s’engager, en connaissance de cause, de faire sien l’objet des décisions ou conclusions de la réflexion prospective (l’anticipation) avant d’agir ; celle-ci bâtit une vision du futur, détermine les objectifs à atteindre. Nous avons voulu donner une intelligence concrète au triangle en traçant des flèches bidirectionnelles, l’une depuis ANTICIPATION et l’autre depuis ACTION, se rejoignant sur APPROPRIATION, cela aussi pour une raison théorique.