Introduction
Prospective (Anticipation, Appropriation, Action), Stratégie, Organisation, Planification stratégique, Innovation, Performance, Changement, Efficacité, Efficience. Tels sont entre autres, les termes qui caractérisent la dynamique de la conduite du changement et du développement.
De quoi s’agit-il, sinon de sciences et de repères « pour penser et agir autrement » ?
De nombreux rapports existent entre eux ; nous allons le voir ci-dessous.
A) Rapports entre les termes d'une dynamique de changement et de développement
Quels rapports entretiennent ces notions entre elles et avec le processus du développement ? Notons tout suite l’importance de l’ordre des mots Anticipation, Appropriation et Action puisqu’il constitue la règle d’or de la démarche prospective comme l’explique le triangle grec sur lequel nous reviendrons : jamais d’action sans appropriation, stade de mobilisation et de motivation. Et l’appropriation ne saurait être autre chose que la résultante de l’anticipation, c’est-à-dire de la réflexion stratégique comme base de départ.
Aller de l’anticipation à l’action représente le chemin de la facilité, des échecs et de tous les dangers. Pour ne l’avoir pas compris nombre d’organisations et d’Etats sont en panne ; nous lui préférons donc le chemin le plus long et plus exigeant, mais plus sûr, qui passe par l’appropriation. Le « a » dans le nom du site internet www.ascefconsulting.org représente les trois dimensions abrégées que sont l’anticipation, l’appropriation et l’action et nous attachons du prix à ce qu’on respecte cet ordre des mots, s’ils venaient à être livrés ou lus dans la forme complète (non abrégée). Il en est de même d’ailleurs pour la lettre « e » dans ASCEF qui contient à la fois les mots efficacité et efficience, respectivement. C’est aussi là une précision qui vaut une invite aux différentes organisations afin qu’elles aient le réflexe d’abord de la réflexion prospective, ensuite de l’appropriation avant toute action. Bien entendu, l’anticipation, l’appropriation et l’action ont chacune sa méthode technique et refusent donc l’improvisation et l’amateurisme.
En effet, on ne saurait durablement rester au stade d’efficacité et d’efficience en dehors de cet ordre qui constitue une exigence pour la réussite des programmes de développement économique, même en ayant en abondance des ressources naturelles ; car ce sont les hommes qui font la différence. La Suisse, le Japon et les Etats-Unis d’Amérique sont souvent donnés en exemples de réussites économiques basées non pas sur l’importance de leurs ressources naturelles, mais sur leurs capacités à transformer leurs rêves en réalités, c’est-dire sur leur engagement résolu de réussir ; c’est par exemple l’histoire du rêve américain.
À ce propos nous recommandons les ouvrages du professeur Michel Godet : Manuel de prospective stratégique, Tome 1 : Une discipline intellectuelle, et Manuel de prospective stratégique, Tome : L’art et la méthode, aux Editions Dunod, Paris. Nous recommandons surtout son ouvrage intitulé De l’anticipation à l’action. Manuel de prospective et de stratégie ; Editions Dunod, 1991, ainsi que La boite à outils de prospective stratégique par Michel Godet en collaboration avec Régine Monti, Francis Meunier, Fabrice Roubelat, publiée par les cahiers du LIPS, Cahier numéro 5.
Tandis que des auteurs sont attristés de voir des pays qui regorgent de matières premières demeurer encore sous-développés, pauvres, s’ils n’avancent un peu plus sur le chemin du sous-développement ; de jour en jour leurs richesses creusent leurs malheurs.
Mais qu’est-ce que la prospective ? La prospective est « une anticipation pour éclairer l’action présente à la lumière des futurs possibles » (Michel GODET). En cela la prospective va de pair avec la stratégie puisque toute anticipation et toute organisation sont destinées à atteindre des objectifs ; combinées elles donnent lieu à la prospective stratégique. « Le prospectiviste et le stratège sont embarqués dans un même défi : anticiper pour agir. Pourtant leurs références et leurs pratiques sont différentes » dit Michel GODET qui ajoute que « l’action sans but n’a pas de sens et l’anticipation suscite l’action. C’est ainsi que la prospective et la stratégie sont généralement indissociables, d’où l’expression de prospective stratégique ».
L’anticipation permet de mieux répondre aux défis du futur à partir d’un présent éclairé par la veille et l’analyse stratégiques. Les concepts de prospective, de stratégie, de planification sont dans la pratique intimement liés, l’un faisant souvent appel aux autres. « La stratégie parle d’anticipation et d’innovation et la prospective de préactivité et de proactivité, mais c’est bien de la même chose qu’il s’agit… Comment imaginer d’agir en stratège sans « voir loin, large, profond, prendre des risques, penser à l’homme » comme le fait la prospective selon Gaston BERGER ? Qu’on le veuille ou non, « regarder l’avenir bouleverse le présent » ; ainsi l’anticipation invite à l’action. Pour nous, l’affaire est entendue, la prospective est le plus souvent stratégique sinon par ses retombées du moins par ses intentions et la stratégie nécessairement prospective ne serait-ce que pour éclairer les choix qui engagent l’avenir ».(2)
(2). Michel Godet : Les magiciens de la croissance. Préface au livre « La dynamique stratégique de l’entreprise. Innovation, croissance et redéploiement à partir de l’arbre de compétences » de Marc GIGET, Dunod, Paris, 1998.
La planification stratégique, le management et la prospective stratégique renvoient à des problèmes et à des solutions spécifiques et la capacité d’anticiper rend l’homme responsable de ses actes, tout autant que le défaut de savoir anticiper dont souffrent souvent les organisations, à commencer par l’Etat lui-même. La prospective, précise Hugues de Jouvenel, n’est ni prophétie, ni prévision, elle « n’a pas pour objectif de pré-dire l’avenir – de nous le dévoiler comme s’il s’agissait d’une chose déjà faite – mais de nous aider à le construire. Elle nous invite donc à le considérer comme à faire, à bâtir, plutôt que comme quelque chose qui serait déjà décidé et dont il conviendrait seulement de percer le mystère ». L’avenir est domaine de liberté, domaine de pouvoir et domaine de volonté.(3) De l’anticipation, point focal de ces différents concepts, on peut donner « deux types d’approche qui coexistent : une définition qui est déjà dans l’action : anticiper c’est faire quelque chose avant le moment prévu ou fixé ; une définition qui n’est que « dans la tête » – prévoir, supposer ce qui va arriver et adapter sa conduite à cette supposition – et qui consiste à penser le présent autrement, en y intégrant des éléments de ce qu’on imagine du futur ».(4)
L’action ou la volonté stratégique trouve sa force dans l’appropriation qui est à la fois motivation et mobilisation. Expliquant la relation entre l’anticipation (réflexion prospective), l’appropriation (motivation et mobilisation) et l’action (volonté stratégique) dans le triangle grec, le professeur M. GODET encore dira que « L’appropriation intellectuelle et affective constitue un point de passage obligé pour que l’anticipation se cristallise en action efficace ». L’efficacité s’évalue selon des critères à la fois économiques, politiques et sociaux, critères liés les uns les autres et interdépendants. La performance quant à elle s’explique par des variables comportementales ; il s’agit, note le Club de Rome (1983) (5), de facteurs qui « conditionnent le comportement et, partant, l’efficience des sociétés ».
Si l’efficacité signifie la capacité d’arriver à son but, l’efficience veut dire la mesure d’un résultat par rapport aux ressources disponibles et bien utilisées. Les changements non-souhaités qui s’imposent de nos jours témoignent d’une véritable crise de l’efficacité, et surtout d’une crise de l’efficience. L’efficacité et l’efficience largement comportent une dimension organisationnelle déterminante ; atteindre un certain niveau d’efficacité ou d’efficience passe donc nécessairement par un certain degré de bonne organisation.
La nécessité d’adapter sa conduite aux changements supposés, et mieux encore la nécessité de les anticiper, fait nécessairement appel à la créativité, à l’imagination, à la planification stratégique, et à l’innovation pour sortir des sentiers battus et de ce qui devient inopérant, stérile, voire destructeur. Ces changements sont surtout d’ordre organisationnel, technologique, économique, social…et nous pouvons positivement les influencer, leur donner une orientation souhaitée par ces outils et méthodes, sur fond de synergies ; nous sommes dans une nouvelle donne mondiale d’unecomplexité dynamique, et il nous faut savoir innover, « transformer les rêves en réalité » (Marc GIGET) par des décisions opportunes, trouver du sang neuf pour gagner, faire vivre nos organisations : le salut de celles-ci dépend de notre capacité à donner du sens dans un monde où se créent de « nouvelles relations au temps, à l’espace, au risque, à la pensée » (Hervé SERIEYX). La prospective est d’une utilité on ne peut plus grande pour conduire le changement et le développement en ces temps fortement marqués par la complexité, l’exigence de bonne gouvernance et de transparence.
(3). Hugues de Jouvenel : futuribles. Analyse et prospective, novembre 1999-numéro 247.
(4). Sandra BELLIER et Adeline BENOIST : L’anticipation. L’éternel mirage du management. Librairie Vuibert, 2003, chapitre 1.
(5). Bohdan Hawrylyshyn : Les itinéraires du futur. Vers des sociétés plus efficaces. PUF, 1983.
B) La prospective au secours de la conduite du changement
Dans tout cela l’homme est à la fois acteur, bénéficiaire ou perdant ; il est au début, au centre et à la fin du tout intégré dont il est responsable. Mais en a-t-il toujours pris conscience pour répondre à sa vocation de devoir construire son bonheur, observer une certaine éthique de la gouvernance, préserver le genre humain, se préserver lui-même dans les meilleures conditions, avec le souci de son prochain ? C’est le vrai défi auquel nos organisations sont confrontées. La prospective, la stratégie, l’organisation, sciences non exclusives, destinées à penser et agir autrement nous permettent de gagner le défi des changements. Mais l’action même réussie n’est pas une fin en soi ; elle n’a de sens que si elle rend l’usager et la communauté heureux et satisfaits. Voilà qui est tout le sens du changement vers lequel nous tentons de conduire nos organisations, que ce changement soit appelé modernisation, réformes administratives, réorganisation, ou encore par d’autres termes ; ces mots cachent quelques différences près, mais contiennent tous la même réalité : le besoin de réformes transparentes, d’une bonne gouvernance, de modernisation administrative audacieuse. Par quelle stratégie ? Plusieurs voies sont possibles : par « une voie progressive et fondée sur le volontariat » (France), par une « modernisation imposée à marche forcée » (Royaume-Uni), ou par le mélange « des changements obligatoires rapides et des temps d’apprentissage » (Australie) ? (6)
Et pourquoi pas, à titre d’exemple, des réformes structurelles dans les pays africains inspirées du meilleur de la tradition africaine et du meilleur de la modernité occidentale ? Ici, il y a lieu d’ouvrir une parenthèse : en effet, il est aisé de constater que certaines études prospectives ont tendance à légitimer des programmes de développement déjà ficelés en dehors de toute étude prospective ; elles ne sont prospectives que de nom.
Il s’agit d’une prospective politisée, ni objective, ni transparente, alors que la prospective exige avant tout de la rigueur dans sa démarche ; en plus, « Une architecture stratégique brillamment conçue ne vaut pas grand-chose en l’absence d’une capacité de transformer l’hégémonie intellectuelle en hégémonie économique… ». (7)
À l’heure où la crise s’est durablement installée, les réformes structurelles sont incontournables. À cela s’ajoute les politiques d’intégration régionale, les nouvelles formes de coopération telle que la coopération décentralisée qui relègue les acteurs étatiques au second plan, les problèmes de bonne gouvernance et de transparence… Les anciens systèmes administratifs sont appelés à disparaître et de nouveaux apparaissent, obligeant de procéder à des réformes structurelles.
D’autre part, il faut reconnaître qu’il est illusoire d’agir sur la croissance économique par exemple des pays africains sans de profondes réformes structurelles. Les auteurs de l’étude prospective Afrique 2025 pensent, et nous aussi, qu’il existe deux catégories de facteurs qui auront une influence directe sur la croissance dans les pays africains : les facteurs externes, à savoir « les éventuels progrès d’une régulation économique mondiale, le jeu des grands acteurs du commerce mondial, et les facteurs internes, et en particulier « la compétitivité des économies africaines, elle-même conditionnée par la productivité du travail et donc par l’émergence de processus d’accumulation et d’investissement dans les moyens de production, et aussi le degré d’intégration des marchés africains et la qualité de l’organisation pour aborder les marchés hors du continent ». À cela s’ajoutent des facteurs non-économiques : facteurs sociaux, nouvelles technologies, productivité du travail…, ainsi que « des facteurs politiques qui font que la façon dont les modèles de développement retenus par les gouvernements, modèles plus ou moins dirigistes puis plus ou moins néolibéraux, ont été mis en œuvre n’a pas débouché sur la croissance économique espérée » (8). N’oublions pas aussi les facteurs comme l’instabilité politique régionale ou nationale. Le chantier des réformes structurelles reste encore immense.
(6). Serge Vallemont, in Préface au livre « Moderniser l’administration. Comment font les autres ? ». Auteur Sylvie Trosa, Les Editions d’Organisation, 1995.
(7). Gary Hamel, C.K. Prahalad : La conquête du futur. Stratégies audacieuses pour prendre en main le devenir de votre secteur et créer les marchés de demain, InterEditions, 1995, p. 189.
(8). Afrique 2025. Quels futurs possibles pour l’Afrique au sud du Sahara ? Futurs Africains. Éditions Karthala et futures Africains, 2003, pages 122-123.
Faire intervenir les outils et méthodes ci-dessus indiquées dans la conduite du changement et du développement est aujourd’hui une obligation. Conduire le changement fait intervenir de nombreuses disciplines, mais nous croyons que parmi toutes celles-ci, la prospective stratégique joue un rôle peut-être plus déterminant que les autres. Par sa démarche elle permet aux acteurs d’anticiper les facteurs d’évolution des situations en cause, de s’approprier les solutions retenues, avant l’action. L’analyse structurelle à laquelle elle fait procéder met en évidence la structure en repérant les facteurs susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la construction de l’avenir ; elle aide ainsi à répondre à la question de savoir : « parmi la multitude de facteurs qui interviennent dans la construction de l’avenir d’une communauté humaine (recensement des variables caractérisant le système, repérage des relations entre elles, détermination des variables les plus déterminantes (variables motrices) quant à l’évolution du système, explication des résultats obtenus) lesquels faut-il privilégier dans la réflexion ? ». Certes, c’est une méthode un peu lourde, mais qui a un grand intérêt.(9) Nous ne saurons jamais assez recommander la prospective stratégique pour conduire le changement et pour une politique de développement réussie. Elle fait aussi appel à d’autres disciplines comme la veille stratégique et l’innovation…
Autant de raisons nous ont poussés à créer ASCEF CONSULTING, pour montrer l’efficacité du management du changement et du développement selon ces outils et méthodes dits « sciences pour penser et agir autrement » qui privilégient l’anticipation, l’appropriation et l’action. Évitons de continuer à gérer nos organisations comme cet homme qui a perdu sa clé et dont parle Nasrattin Hoca : « Un homme cherche par terre la clé qu’il a fait tomber. Quand son voisin lui demande où il l’a perdue, il lui montre du doigt un endroit différent. « Mais alors, pourquoi cherchez-vous là où vous êtes ? » lui demande le voisin. « Parce que je vois plus clair ici » répondit l’homme. Nous voulons que chaque organisation puisse oser l’identification précise de l’endroit où sa clé est tombée ; ce faisant, elle pourra alors l’éclairer, comme fait la prospective qui est, répétons-le, « une anticipation pour éclairer l’action présente à la lumière des futurs possibles ». La clé sera alors facilement retrouvée.
(9). Un guide pour les réflexions prospectives en Afrique. Futurs africains, Karthala et futures cibles, 2001, pages 66-67.