Introduction
La pensée systémique et la conduite du changement font ces derniers temps l’objet d’attention particulière de plusieurs chercheurs et cabinets de conseil dont ASCEF CONSULTING, cabinet spécialisé dans l’accompagnement des organisations en Conduite du changement, Prospective, Stratégie, Organisation, Management, Ressources Humaines et Communication.
A) Pourquoi une telle ambition ?
À y voir de près, on se rend compte aisément que ces disciplines ou indiscipline intellectuelle (Pierre Massé, 1973) pour ce qui est de la prospective stratégique sont peu utilisées, notamment dans les pays dits en voie de développement comme en Afrique. Ce qui est regrettable, quand on sait que le monde évolue et les mutations sont peut-on dire nécessaires et permanentes ; la manière de faire face à celles-ci, autrement dit au futur doit être intégrée dans notre quotidien. Si les mutations sont nécessaires et permanentes, « autant s’armer pour détecter les courants naissants au sein de nos sociétés, identifier les modèles de pensée encore balbutiants, les comportements individuels et collectifs, et faire des hypothèses sur ceux qui demain seront peut-être dominants… il ne s’agit pas de faire des prévisions mais de tirer parti de ce que nous observons pour permettre à ceux qui préparent l’avenir d’agir et d’entrer dans le futur avec des éléments de réflexion supplémentaires et une plus grande compréhension du monde qui les entoure… Nul ne saurait prédire ce que nous réserve l’avenir. Mais soyons certains que celui-ci sera ce que les hommes en auront décidé ».(1)
Le monde contemporain est complexe et fonctionne selon de nouveaux paradigmes et principes ; il n’est plus le même monde tel qu’expliqué dans la pensée cartésienne qui se veut rationnelle, qui sépare et isole les phénomènes pour les appréhender, prétendant pouvoir tout comprendre et maîtriser. Le monde change et il faut de nouveaux outils de gestion adaptés ; il n’est plus sûr, où les choses seraient prévisibles ; bien au contraire aujourd’hui on ne peut prétendre tout comprendre.
L’aléatoire, l’imprévu, l’instable… sont bien présents du fait des interdépendances, interactions et réalités nouvelles ou émergentes que nous ne pouvons complètement saisir et où la pensée cartésienne dans laquelle nos élites sont formées trouve ses limites, ce qui est un grand handicap pour nos gestionnaires ayant reçu une formation classique qui ne les prédispose pas à voir les choses de manière systémique. Ceci est fondamental car il faut savoir qu’il suffit qu’on soit en présence d’un problème humain pour que la causalité dite linéaire (A est la cause de l’effet B), faisant place à la causalité circulaire (B l’effet de la cause A devient la cause pour A qui devient l’effet, par rétroaction) « perde de sa pertinence ».(2) Voilà qui explique la raison d’être de voir les choses da manière systémique ou globale. Autrement dit, nous sommes en présence d’un problème d’organisation, ce qui exige un certain savoir-faire : « un savoir-faire organisationnel qui (…) donne la possibilité de créer et de conserver une organisation efficace »(3) pour permettre « à un dur labeur de déboucher sur de meilleurs résultats » (Bohdan Hawrylyshyn).
L’exigence de plus de qualité, de démocratie, de transparence et de complémentarité attachée aux hommes renforce cette nécessité d’une approche systémique fondée sur le paradigme écologique qui conçoit l’être humain comme un système ouvert, l’appréhende dans ses interactions et interdépendances. La coresponsabilité, l’ouverture culturelle, l’éthique et l’esthétique excluant les décisions non concertées, sont devenus alors des normes pour la performance, la bonne gouvernance et la cohésion sociale en tant qu’éléments, exigences et émanations de la pensée systémique.
(1). Quelles élites pour le XXI ème siècle ? Avant-propos par Alain POUZILHAC, Editions DENOEL, 1987, p. 8-9.
(2). Françoise KOURILSKY-BELLIARD : Du désir au plaisir de changer. Comprendre et provoquer le changement ; Dunod, 2ème édition, Paris 1999, p. 80.
(3). Bohdan Hawrylyshyn : Les itinéraires du futur. Editions PUF, 1983, p.20.
Les entreprises et les administrations en quête de performance et de modernisation ont donc besoin de ces outils – sans nier l’existence d’aspects simples et donc d’outils de gestion classiques – plus pertinents pour penser, décider et agir autrement, c’est-à-dire plus efficacement ; d’autant que dans cette perspective, tout comme pour la planification qui trouve ses limites dans un environnement complexe, bien gérer ne suffit plus. Cette perspective par essence dynamique, réfute la médiocrité, la fatalité et la facilité défavorables aux leviers du changement, mais qui jouent en même temps un rôle d’incitation pour celui-ci. Car en effet, pour une action pertinente, efficace et efficiente, il est impératif aujourd’hui non seulement de prendre conscience de la complexité des organisations, mais en plus d’être capable d’anticiper les changements et leurs effets, d’être capable d’innover, de voir globalement pour agir localement, faire preuve de bon sens, d’imagination et de créativité, d’être capable de porter un projet cohérent partagé, celui d’un avenir meilleur. La valorisation des Ressources Humaines en est une autre demande, plus d’actes concrets pour le développement endogène des territoires aussi. C’est à cela que sont appelées nos organisations dans le contexte de la mondialisation et du développement durable : Etats, collectivités territoriales/locales, entreprises, programmes de développement (plans pays émergents, pôles de développement, clusters, parcs scientifiques, pôles d’excellence…). Ici la professionnalisation et la formation au leadership, à l’entrepreneuriat s’impose car aidant à manager dans la complexité de manière plus pertinente, méthodique et transparente.
La prospective, l’organisation, l’innovation, la planification stratégique, la veille stratégique et concurrentielle ou encore l’intelligence économique appliquées au sein des organisations confirment l’efficacité collective. C’est à ces nouveaux défis que des cabinets de conseil comme ASCEF CONSULTING se sont attelés avec les démarches d’Anticipation, d’Appropriation et d’Action efficace et efficiente au service du Changement et du Développement durable.
Car pour nous une autre manière de repenser le développement basée sur la pensée systémique s’impose ; elle interpelle tout l’être humain, ses savoirs : savoirs (savoir, savoir-faire, savoir-être, savoir devenir), ses sentiments et sensations. Le cabinet promeut donc l’intelligence collective, la transversalité pour des structures décloisonnées et vivantes, l’apprentissage organisationnel, la conjugaison de l’économique et de l’humain, le management participatif, l’équité… car le monde complexe, ses organisations ont besoin de plus de projets, de solidarité, de critiques constructives et de productivité à visage humain que de négation de l’autre avec son génie, ses qualités et ses talents.
B) Un autre regard sur un monde en mutations permanentes
Les mutations permanentes sont la marque la plus évidente de nos temps. La compétition, la vitesse et la sophistication sans précédent, la complexification des phénomènes, le repli identitaire… en sont, entre autres, les causes. Désormais le pays le plus fort ne sera pas celui qui disposera de plus d’hommes comme dans le passé, ou de plus d’or comme récemment, ou de plus de kilowatts disponibles comme actuellement, mais bien celui qui sera le plus riche en hommes d’initiative, rapides en décision, souples de mentalité et d’une grande « adaptabilité »… Cette aptitude mobile dérive d’un exercice répété d’analyses, de reconstructions en synthèses, d’efforts créateurs et d’enthousiasme…(4) De la même manière, « cette tendance à considérer avant toute chose la dignité humaine, apporte au dirigeant un accroissement et un affinement intellectuels.
Il existe, en effet, une sorte de correspondance directe entre les qualités du cœur et celles de l’esprit. Un homme généreux est rarement inintelligent et, inversement, la réflexion tend tout naturellement vers la noblesse des sentiments ».(5) Voilà qui explique le devoir de conjuguer l’économique et de l’humain ; c’est aussi dire que la formation culturelle des cadres, dirigeants et autres élites est à réécrire pour être adaptée au nouveau contexte. Les promoteurs des plans pays émergents (ppé) et de la modernisation ont à méditer cette vérité intrinsèque. En résumé, cela signifie que la qualité des acteurs, hommes et femmes, incarnée par leurs comportements quotidiens fait la différence. Cette donne est essentielle pour les entreprises, les administrations, les politiques de décentralisation… toutes étant des sphères où la communication et le dialogue sont destinés à produire des décisions concertées.
Les plans pays émergents ont quelque chose de commun et d’inquiétant qui interpelle l’attention des spécialistes des sciences dites « sciences pour penser et agir autrement ». En effet, ce qui est constant c’est l’obsession d’amasser des financements, autrement dit, de l’argent. L’argent est certes important, mais n’est pas primordial et peut facilement desservir les plans pays émergents ; pensons aux milliards de milliards de francs, euros et dollars injectés dans les projets de développement pour lesquels au-demeurant de vraies évaluations n’ont jamais eu lieu, ou rarement ; irrégulièrement utilisés, détournés et gaspillés, ils n’ont servi qu’à aggraver les inégalités sociales, pousser à la corruption… Or, on l’a si bien dit, l’argent ne peut s’égaler à la combinaison des facteurs, sorte de triangle magique que sont les compétences techniques, l’intelligence en matière d’organisation ou savoir-faire organisationnel et la discipline.
(4). Joseph Basile : La formation culturelle des cadres et des dirigeants. Cultiver sa pensée pour enrichir son action. Editions SEGHERS, Paris 1979, p. 147.
(5). Joseph Basile : La formation culturelle des cadres et des dirigeants. Cultiver sa pensée pour enrichir son action. Editions SEGHERS, Paris 1979, p. 123.
Le problème est un problème humain et non d’argent ou de ressources naturelles. En se focalisant sur l’argent on fait montre d’ignorance des réalités et de l’histoire du développement : des pays comme le Japon, la Corée du Sud, la Suisse… sont développés grâce aux qualités humaines de leurs citoyens et non grâce à l’argent ou aux ressources naturelles ; on fait aussi montre que des pays riches en ressources naturelles font partie des pays les plus pauvres au monde – pensons à ceux d’Afrique. La raison on la connaît, on s’interroge ici sur les qualités requises. A ce propos Bernard BRET aimait comparer le Sénégal et la Suisse.(6) Le premier possède des ressources naturelles, des terres cultivables, une importante façade maritime qui lui donne accès au monde entier et qui est une zone côtière à fortes potentialités économiques qui, par effet d’entrainement, peut même être source de création de beaucoup d’emplois bien au-delà de son périmètre. Naturellement disposé à être riche, le Sénégal est pourtant pauvre. Le second, la Suisse, n’a ni ressources naturelles ni façade maritime, et qui est donc naturellement disposé à être pauvre, est pourtant très développé. A quoi tient ce paradoxe ? La force ou la chance de la Suisse résident dans l’appropriation de la combinaison des trois facteurs indiqués : compétences techniques, intelligence en matière d’organisation (savoir-faire organisationnel) et discipline.
Mais un autre aspect affaiblissant des plans pays émergents et qui heurte l’attention des spécialistes de ces nouvelles sciences est qu’il ne semble pas que leurs initiateurs aient tiré toutes les leçons conséquentes de la crise économique et financière mondiale. En effet, celle-ci est avant tout une crise de style et d’organisation, une crise de la qualité de coordination du travail, elle marque « une mutation de formes organisationnelles ».
On passe en effet du style de gestion traditionnel à un nouveau style de gestion qui met l’accent sur les valeurs et qualités humaines : le leadership, la créativité et le renforcement des solidarités, l’autonomie, le travail en équipe pour booster « la productivité des interfaces », la capacité de bien gérer le temps. On ne semble pas avoir compris que « derrière la technique, on retrouve immédiatement la qualification des hommes et surtout l’organisation, la qualité des interactions entre employés qui gravitent autour du système, clé de voûte unique de la performance »(7) ; or celle-ci passe nécessairement par la modernisation de l’Etat, laquelle se décline en une série d’exigences. En France sous le titre de ‘l’Etat moderne’ et le sous-titre ‘Orientations pour la poursuite de la modernisation de l’Etat’, le Rapport « Pour un Etat stratège, garant de l’intérêt général » de la « Commission Etat, administration et services publics de l’an 2000 »(8) présidée par Christian Blanc dans le cadre de la préparation du XIème Plan annonce une modernisation correspondant à une quadruple exigence démocratique, d’efficacité, de compétitivité et de motivation des fonctionnaires. S’y ajoute le devoir de conjuguer l’économique et l’humain, qui renvoie à la nécessité de « penser le social de façon différente », mieux que ne le font en général encore les législations en cours sur le travail. Au-demeurant ces dernières ne sont pas toujours tendres avec les travailleurs, surtout en cas de grandes difficultés économiques et d’emploi. Il est une formule romaine qui en dit long : « summum jus, summa injuria » : l’excès de droit, entraine l’excès d’injustice(9). Les plans pays émergents méritent une conjugaison d’efforts pour les sauver, voici nos idées à ce propos.
(6). Bernard BRET : Le Tiers-Monde. Croissance. Développement. Inégalités. HISTEGE, Ellipses, 1995, p. 35-36.
(7). Pierre Veltz : Mondialisation, Villes et Territoires. L’économie d’archipel ; Editions PUF, 1995, p.166.
(8). Pour un Etat stratège, garant de l’intérêt général » de la Commission. Etat, administration et services publics de l’an 2000, p. 55-78.
(9). Jean-Claude DUCATTE : Après la crise. Les nouveaux modes d’organisation du travail. Les Editions d’organisation, 1994, p. 94.
C) Comment sauver les plans pays émergents ?
Comme nous venons de le dire, la question n’est pas tant une question d’argent que d’acteurs engagés pour servir une cause noble, d’hommes et de femmes, de patriotes résolument décidés à bien travailler pour leur pays. Nous avons aussi affirmé qu’il ne suffit plus de bien gérer en atteignant des objectifs déjà fixés, mais qu’il s’agit d’aller au-delà des compétences techniques, d’avoir surtout certaines capacités humaines qui ont comme noms créativité, innovation, anticipation, rapidité, donner du sens, créer des solidarités enthousiastes et franches, écoute attentive désintéressée, vigilance, qui sont des facteurs que nous trouvons aisément dans ce que nous avons appelé “cercle magique”. Le vrai changement, c’est avant tout l’acquisition de ces capacités ou qualités humaines et non l’acquisition de financements ou d’investissements, de sommes d’argent dont on ne peut garantir une gestion saine et rentable au service exclusif des citoyens. Cette acquisition loin d’être plus importante que ces dernières doit venir seulement en appui aux efforts destinés à la conquête des investissements. Tout doit être animé par cet esprit. Ensuite, il faut savoir que le vrai développement dans les conditions actuelles (mutations permanentes, bouleversements et faillites inattendus, interactions politiques et économiques insoupçonnées…) sera plus endogène qu’exogène. Autrement dit, il sera plus le produit d’une stratégie endogène, c’est-à-dire interne qui met plus l’accent sur les initiatives locales ou venues de l’intérieur du pays et donc rendant celui-ci non-dépendant vis-à-vis de partenaires techniques et financiers étrangers. Celles-ci créent une assise plus solide et crédible du développement économique. La stratégie endogène est le vrai changement, mais il ne faut pas rejeter la possibilité de la croiser, si nécessaire avec celle exogène ; disons que c’est même indispensable de le faire, car l’autarcie conduit à l’asphyxie ; ce que nous voulons dire c’est qu’il faut d’avantage investir pour le développement endogène.
La stratégie endogène « a comme but de créer de la valeur ajoutée propre dépendant en quelque sorte de l’intelligence collective régionale ou nationale. L’autre, l’exogène poursuit son but en sollicitant le savoir-faire d’ailleurs »(10), avec les investissements étrangers.
Mais revenons au cas de la Suisse. En effet, ce pays composé de cantons s’était vu à un certain moment de son histoire récente dépendant vis-à-vis de l’étranger, avec 20% d’habitants étrangers, 25% de la population active elle-même étrangère, auxquels s’ajoutent principalement les travailleurs frontaliers français, italiens, allemands et autrichiens ; 50% de la production économique exportés, plus de 800 entreprises étrangères dont beaucoup sont liées aux secteurs à risque comme la finance et le tourisme, secteurs assez sensibles aux turbulences économiques, qu’elles soient mondiales, régionales ou nationales.(11) Répétons enfin qu’en matière de ressources naturelles, la Suisse dépend entièrement des autres pays comme nous l’avons déjà dit. Si donc la Suisse est un pays riche, c’est sans doute grâce aux qualités humaines ci-dessus mentionnées de ses hommes et femmes, auxquelles se sont ajoutées les compétences professionnelles requises, leur ingéniosité.
La dépendance de la Suisse n’aura pas pris totalement le dessus, l’inspiration pour renverser la tendance aura eu lieu en mai 2001 à l’occasion d’un forum organisé par des associations économiques locales des îles écossaises des Orcades.
(10). Xavier Comtesse : Sur la route du savoir. Editions du Tricorne, 1201 Genève 2003, p. 128.
(11). Xavier Comtess, idem.
Les stratégies de développement endogène et exogène y ont ainsi été croisées à l’initiative d’associations économiques locales dans le cadre de ce qui est appelé « le business plan local de revitalisation » régional, sachant qu’elles ne pouvaient compter sur leurs autorités. Elles ont su se prendre en charge pour définir leur avenir. Le business plan local de revitalisation « consiste à travailler à l’élaboration d’un projet économique pour leur région, en définissant d’abord une vision commune, puis des objectifs concrets de développement, et finalement un plan d’actions précis. Cette méthodologie tient également compte de la valeur ajoutée de la nouvelle de la nouvelle offre, pour la comparer avec la concurrence, et bien sûr proposer un plan financier et un business modèle de rentabilité. Dans un premier temps, chaque potentiel de développement et chaque secteur d’activités sont considérés dans une cartographie des compétences. Un procédé qui renforce la communauté locale, puisqu’il favorise l’émergence des initiatives émanant de la base au lieu de projets venant d’une lointaine administration. Il est intéressant de relever que cette méthode créée dans le monde anglo-saxon envahit aujourd’hui le monde »(12). Le rôle de la société civile suisse a été déterminant.
Voilà qui recouvre beaucoup de choses à la fois, dont l’obligation pour l’Etat de faire « face à la complexité qui résulte des évolutions économiques et sociales… » ; il faut que « l’Etat soit capable de modifier la logique de son action et d’adapter son organisation ». Cela vaut aussi pour nos Etats africains. Transposée chez nous, cette quadruple exigence est parfaitement valable, ce que d’ailleurs plusieurs efforts des pouvoirs publics tendent à démontrer. Hélas, faute de clarification et de communication suffisantes au sujet des enjeux, mais surtout d’appropriation de la modernisation, l’engagent des pouvoirs publics peine à convaincre les populations.
Bref, des conditions de l’efficacité des sociétés(13) et de la modernisation dépend le succès des plans pays émergents, en plus des facteurs cités plus haut, à savoir les compétences techniques, l’organisation intelligente et la discipline. On est donc ici dans la pensée systémique qui requiert les nouveaux outils de gestion et d’analyse mentionnés plus haut. Malheureusement les pouvoirs publics ne semblent pas intégrer ce point de vue ; on risque donc de faire encore et encore du management analytique, qui est bien loin de cerner toutes les problématiques qui entrent en jeux dans le pilotage des plans pays émergents.
(12). Xavier Comtesse, idem, p. 131.
(13). Bohdan Hawrylyshyn : Les itinéraires du futur. Editions PUF, 1983, p. 19.
D) La prospective, une (in)discipline intellectuelle rigoureuse
Une question reste à poser : comment assurer la meilleure qualité intellectuelle de l’anticipation, d’une manière générale de la démarche prospective, en vue de l’action, de la créativité et de l’innovation, alors que la rapidité des évolutions et des changements nous dépasse, les connaissances enseignées aujourd’hui dans quelques années se retrouveront vite quasi-obsolètes ? Ce qui ne sera d’ailleurs pas une évidence pour tous car nous sommes encore d’une part, loin de savoir profiter de nos « facteurs éternels » de progrès (force de réflexion, d’association et volonté d’adaptation, selon J. Basile), et d’autre part, nous sommes encore très enracinés dans notre passé, incapables de vite nous en défaire. Mais rassurons-nous, puisque la prospective a justement cette faculté spécifique de nous rendre capables d’anticiper nos faiblesses, y compris l’anticipation de ces éléments de blocage. « Infuser le changement a pour corollaire la créativité, l’initiative, l’esprit pionnier, le perfectionnement en permanence.
Chez l’individu, pour initier le changement, nous avons deux motivations : une envie intrinsèque se manifestant par une ouverture à l’autre, au progrès, à la dynamique positive. Il faut que l’individu intègre bien ses besoins de base correspondant à sa personnalité et son histoire pour les expliquer et les vivre dans l’entreprise et dans sa vie privée. Une envie extrinsèque impulsée par le management du XXI siècle (à l’inverse du management par l’épée de Damoclès) dans le cadre de l’entreprise (management délégataire centré client) »(14).
Quant au changement qui reste à conduire, il existe plusieurs facteurs appartenant à des systèmes qui peuvent le bloquer ; ils peuvent provenir de plusieurs systèmes : familial, éducatif, de mémoire (à l’âge adulte), système étatiste, système de management directif ; ces éléments de blocage sont liés au manque de remise en cause et non à l’âge.(15) En effet pour la plupart des dirigeants quand tout va bien le changement n’est pas au rendez-vous ; à quoi bon de se créer inutilement des ennuis, pensent-ils ? Mais le monde bouge et il y aura forcément une crise, une situation qui va tout bouleverser, induire des modifications. Le changement va s’imposer alors qu’on ne s’y est pas préparé. Certains autres dirigeants avertis, n’attendent pas de perturbations ou une crise de légitimité pour adopter « délibérément une stratégie de changement permanent, basée sur la surveillance de l’environnement et l’anticipation de son évolution. Ils n’attendent pas la crise pour moderniser leurs structures et leur mode de gestion : ils sont armés pour l’affronter si elle survient et ne se laisseront pas surprendre ».(16)
(14). Sylvain Lecoq : Comment manager votre équipe. Confiance, délégation et sens du client. Editions d’Organisation Groupe Eyrolles, 2006, p. 108-109.
(15). Sylvain Lecoq, idem, p.107-108.
(16). Jean-Louis : L’administration du futur. Culture et stratégie. Editions Eyrolles, 1989, p. 39.
Ils sont conscients que « Si « regarder l’avenir le bouleverse » (Gaston BERGER), l’imaginer ensemble c’est déjà vivre le présent autrement et donner plus de sens à l’action »(17).
Le succès de la prospective tient justement à sa rigueur, en ce sens qu’elle est « l’expression d’un effort de lucidité face à la réalité : pas seulement celle qui est devant nous, comme une évidence, mais celle qui se dessine, que nous ne voulons pas voir parce qu’elle nous dérange, que nous n’arrivons pas à nommer parce qu’elle perturbe les jeux, les pratiques (souvent répétitives) ou les habitudes du moment »(18). C’est donc un grand pari que de faire de la prospective dans les règles de l’art, pour donner une orientation osée et lucide au futur.
C’est à cela que nous appelons de tout vœu en ces temps de changements obligés ; autant les anticiper que de les subir, sachant que « la prospective sans conséquences pour l’action perd beaucoup de son intérêt. De toute façon, le temps de l’avenir programmé d’en haut ne reviendra pas. L’appropriation de la prospective cognitive (connaissances changeant les représentations) passe par des processus et des méthodes participatives »(19). La prospective est loin d’être un exercice de réflexion personnelle ou individuelle proposant des idées sans lendemain ; elle ne peut non plus se passer de l’étape de l’appropriation.
Eugène Modou GUEYE, Docteur en Sciences de Gestion
Spécialité Prospective, Stratégie et Organisation
(17). Michel GODET, préface au livre Guy LOINGER : La prospective régionale, de chemins en desseins, Editions de l’aube Datar, 2004.
(18) Guy LOINGER : La prospective régionale, de chemins en desseins, Editions de l’aube Datar, 2004 ; voir préface de Michel GODET : Les régions face au futur.
(19). Michel GODET, idem.
1. Françoise KOURILSKY-BELLIARD : Du désir au plaisir de changer. Comprendre et provoquer le changement ; Dunod, 2ème édition, Paris 1999.
2. Joseph Basile : La formation culturelle des cadres et des dirigeants. Cultiver sa pensée pour enrichir son action. Editions SEGHERS, Paris 1979.
3. Bernard BRET : Le Tiers-Monde. Croissance. Développement. Inégalités. HISTEGE, Ellipses, 1995.
4. Pierre Veltz : Mondialisation, Villes et Territoires. L’économie d’archipel ; Editions PUF, 1996.
5. Pour un Etat stratège, garant de l’intérêt général de la Commission. Etat, administration et services publics de l’an 2000, janvier 1993.
6. Jean-Claude DUCATTE : Après la crise. Les nouveaux modes d’organisation du travail. Les Editions d’organisation, 1994.
7. Bohdan Hawrylyshyn : Les itinéraires du futur. Editions PUF, 1983.
8. Sylvain Lecoq : Comment manager votre équipe. Confiance, délégation et sens du client. Editions d’Organisation Groupe Eyrolles, 2006.
9. Jean-Louis DELIGNY : L’administration du futur. Culture et stratégie. Editions Eyrolles, 1989.
10. Guy LOINGER : La prospective régionale, de chemins en desseins, Editions SECPB, 2004.
11. Xavier Comtesse : Sur la route du savoir. Editions du Tricorne, 1201 Genève 2003.