Le 3 juillet 2018 à Paris, au siège de la revue Futuribles International, fut lancé le Forum Prospectif Permanent de l’Afrique de l’Ouest. Cette rencontre composée d’éminentes personnalités bien connues notamment dans les domaines de la prospective et de l’économie se posait entre autres questions celle de savoir comment prendre en compte le long terme du développement de l’Afrique de l’Ouest, telles que celles liées à la sécurité, à la gouvernance, à la démocratie. La rencontre fait suite à d’autres dont celle de Dakar d’octobre 2014 qui avait jugé qu’il était temps de mener une réflexion prospective approfondie sur le développement de l’Afrique de l’Ouest, au vu des nombreux changements observés sur le continent africain. On sait que faute d’études prospectives le pilotage à vue des affaires y est la règle, ce qui ne manque pas d’avoir des conséquences dommageables. Cela est d’autant plus vrai que la planification en période de complexité ne parvient pas à tenir toutes ses promesses, faute d’un élan prospectif qui voit « loin, large, profond », comme on aime le répéter, après Gaston Berger.

Pour rappel, la question n’est pas nouvelle. En effet, en 1983 elle a été posée avec beaucoup d’intérêt. Nous connaissons les travaux prospectifs sur le Sahel qui sont l’un des fondements de cette initiative, travaux auxquels avaient pris part des spécialistes comme Kimon VALASKAKIS, Jacques GIRI, Michel GODET, Alioune SALL, Pathé DIAGNE, … grâce à l’appui du CILSS et de l’ACDI (Agence Canadienne pour le Développement International). ASCEF CONSULTING y a été représenté par Mr Eugène Modou GUEYE, Consultant International spécialisé en Conduite du changement, Performance et Développement..L’attention du forum baptismal fut attirée sur des questions cruciales soulevées depuis quelques temps, notamment par l’ouvrage Le Sahel face au futur : dépendance croissante ou transformation structurelle ? Une étude prospective des pays sahéliens 1985-2010, publié en 1987 sous la direction de M. Jacques GIRI, Consultant International.

La conférence de juillet 2018 a été coprésidée par M. Hugues de JOUVENEL, Président-délégué général de Futuribles International (Paris), Consultant International en Prospective et Stratégie et M. Alioune SALL, Directeur de l’Institut des Futurs Africains (IFA) qui siège à Pretoria en République Sud-africaine (RSA). Les questions évoquées tournaient en particulier autour des perspectives d’intégration de l’Afrique de l’Ouest :

    • Qu’est-ce qui va changer ?

    • Qu’est-ce qui ne changera pas ?

    • Qu’est-ce qui est en train de bouger ?

S’il faut admettre que la poursuite des tendances politiques, économiques, géostratégiques actuelles est suicidaire pour les peuples du continent, il y a alors de quoi s’inquiéter pour leur avenir. Surtout pour les générations futures qui devraient s’attendre au pire, si rien n’est fait pour parer à une telle éventualité. Ces inquiétudes concernent entre autres la balkanisation de la région, les nombreuses illusions dont celle d’une croissance économique ne générant pas d’emplois… Fort heureusement pour les peuples du Sahel, des institutions comme la CEDEAO pourraient jouer le rôle d’organe d’impulsion pour permettre de changer le cours des choses, d’infléchir ces tendances. Le besoin de concertation, de coopération et d’élaboration de programmes de développement est donc plus que jamais urgent.

Le forum a noté que si certains pays comme l’Ile-Maurice ont su profiter d’études prospectives, il n’en demeure pas moins qu’il y a lieu de mettre en garde quant à l’utilisation possible d’études prospectives pour étayer et justifier des programmes de développement stériles et même néfastes. Qu’attendre d’organismes comme l’UEMOA ? Sans doute celle-ci pourrait beaucoup faire pour les changements attendus ; en revanche, il y a ce qu’on ne peut attendre d’elle, reconnaît la conférence. Autre question : qu’attendre de ces principes généreux baptisés « Agenda 2063 », qui proclament entre autres, une « 1. Afrique prospère fondée sur la croissance inclusive et le Développement durable » ou encore « 3. Une Afrique où bonne gouvernance, démocratie, respect des droits de l’homme, justice et état de droit sont à l’ordre du jour ». Pourquoi pas seront respectés ? Une telle formulation traduit bien la peur de s’engager dans la voie des changements, même s’ils sont reconnus inévitables, au risque de faire sombrer le Sahel, voire tout le continent africain et même au-delà. Quelle politique mettre en place pour régler le problème de la migration utilisée par le populisme, alors que celle-ci représente un potentiel de développement, mais qui n’est pas exploré ? Que serait la plus grande puissance du monde, les Etats-Unis d’Amérique, sans les migrations, presque depuis tous les continents ? Quelle attitude tenir vis-à-vis de certains partenariats interafricains ou internationaux, existants ou envisagés par certains Etats, refusés par d’autres ? Nombreuses sont les questions posées qui exigent audace et clairvoyance pour être résolues. Les solutions existent, et c’est ici qu’est interpelée la capacité d’anticipation, d’imagination et d’invention des africains, en plus de l’audace et de la clairvoyance requises.

Les questions de sécurité n’ont pas manqué de préoccuper la conférence qui pense que les différentes menaces qui pèsent sur la région peuvent aussi servir d’opportunités, par exemple en impliquant des processus électoraux plus démocratiques comme on l’a vu dans un pays où jusqu’à un temps récent la succession au pouvoir passait toujours par un coup d’Etat militaire. De même, ces questions peuvent servir au rapprochement plus serré des Etats de la sous-région. La nécessité de repenser les outils diplomatiques n’a pas échappé à l’attention de la conférence.

De nombreuses autres questions essentielles ont été discutées, telles que :

– Le financement de la nouvelle plateforme, son administration, avec comme :

– M. Alioune SALL, président d’honneur,

– Un conseil d’administration,

– Un secrétariat scientifique,

– Une équipe d’experts de l’espace considéré ou témoins privilégiés des transformations en cours,

– Un comité scientifique pour l’évaluation des futures productions des organes,

– Un comité des représentants des organismes qui assureront le financement de démarches,

– Un représentant de Futuribles International.

Enfin dans le cadre de son approche inclusive et globale, la nouvelle structure a porté à la connaissance du public une conférence prévue à Dakar, en janvier 2019, qui sera le démarrage des grandes activités du forum dans la zone du Sahel, et de l’Afrique de l’Ouest.

Eugène M. GUEYE / ASCEF CONSULTING, Paris.